La Route Romaine

Voie romaine ou Chaussée de Bombelles.

Depuis des décennies, la voie reliant Woelfling à Gros Réderching est appelée Voie Romaine. Les anciens du village de Woelfling l’appelaient pourtant Àlt Stròòs. Quelle est la réalité ?

 

Voie romaine.

La présence de voies romaines dans notre région est étayée par la proximité du Parc archéologique de Bliesbruck-Reinheim ainsi que par une carte réalisée en 1860 par le chef du bureau des Ponts et Chaussée de Moselle, Vivien de Saint Martin. La présence de cette voie est confortée également par le lieu-dit appelé Hermeskappel au rond-point de la départementale D662 entre Bliesbruck et Wiesviller. Ce nom interpelle car Hermès était le dieu grec gardien des routes, des carrefours et du commerce. Si un temple était édifié à cet endroit au dieu protecteur des voyageurs, comme la majorité des lieux de cultes païens, il a été transformé en chapelle chrétienne tout en gardant le nom d’Hermès qui est aussi celui d’un saint martyr au IIème siècle. Seules des fouilles pourraient confirmer l’époque de construction de la chapelle.

La carte réalisée en 1860 par Vivien de Saint Martin indique une voie romaine venant de Metz et se dirigeant vers le Rhin, le fleuve étant à l’époque la frontière entre l’empire romain et les peuples germaniques. Mais à hauteur d’Hermeskappel, le tracé de cette voie romaine, au lieu de prendre la direction Sud-Est vers les villages de Woelfling et de Gros Réderching, continue vers l’Est en direction de l’ancienne gare et la nouvelle voie verte. A l’époque gallo-romaine, les villages de Woelfling, Wiesviller et Gros Réderching n’existaient évidemment pas. Seules de nombreuses villas à l’image de celle du Grosswald à Sarreinsming étaient disséminées dans les campagnes pour exploiter les terres. La voie dite romaine sous sa forme actuelle entre Woelfling et Gros Réderching n’avait aucune justification.

Si Vivien de Saint Martin a plutôt retenu le tracé qui passe près de l’ancienne gare, c’est qu’au milieu du XIXème siècle, les chaussées n’étant pas encore goudronnées, il était plus facile pour les ingénieurs des Ponts et Chaussées de faire la distinction entre l’empierrement des voies datant de l’antiquité de celles de conceptions plus « modernes ». Vers 1860, ces ingénieurs ont pu également profiter d’une autre opportunité, la construction de la voie ferrée Sarreguemines Haguenau. Les relevés topographiques et les fouilles sur le tracé de la voie leur ont certainement permis d’approfondir leurs connaissances.

Enfin, dernier point, lors de sa conférence organisée par Archaeoptéryx, Jean Paul Petit, ancien directeur du site de Bliesbruck-Reinheim a déroulé son exposé en se basant sur les cartes réalisées depuis l’antiquité jusqu’à nos jours. En commençant par la table de Peutinger, une copie du XIIIème siècle d’une ancienne carte des voies romaines, il a exposé les cartes locales à travers les siècles et ce n’est qu’au milieu du XVIIIème siècle, en 1758, qu’une première carte indique le tracé de la voie actuelle.

 

Chaussée Stratégique de Bombelles.

La toute première carte matérialisant la voie dite Àlt Stròòs à Woelfling est une carte de suivi de chantier. Elle comprend une date, 1740 ainsi qu’une légende et un nom, De Bombelles. La légende renseigne sur l’avancement du chantier et explique l’usage des différentes couleurs, le rouge marquant par exemple les chaussées terminées. L’information capitale est le nom indiqué sur la carte, Henri François De Bombelles étant alors gouverneur français de la place de Bitche.

Si le Duché de Lorraine n’est devenue officiellement français qu’en 1766, il était de fait déjà dépendant du Royaume de France depuis 1737 lorsque Stanislas Leszczynski, beau-père de Louis XV, devint duc de Lorraine et de Bar. Louis XV héritant du Duché à la mort de Stanislas Leszczynski, il s’empressa de renforcer les frontières Nord Est de son royaume. Henri de Bombelles fut chargé de reconstruire la citadelle de Bitche construite sous Louis XIV et détruite par les français en 1697 suite à la rétrocession de la ville au Duché de Lorraine après la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697). Il relia les citadelles de Bitche et de Sarrelouis avec la construction de la nouvelle chaussée qui est ainsi actée pour la première fois sur la carte topographique du comté datant de 1758.

La création de la voie au milieu du XVIIIème siècle est étayée localement par le cadastre de Woelfling dont les parcelles ont été découpées sans aucune considération pour la configuration des propriétés traversées. Malgré les nombreuses successions, on constate aujourd’hui encore que des propriétaires possèdent des parcelles de chaque côté de cette chaussée, la possession de ces mini lots ne se justifiant que par une expropriation forcée.

 

Die Àlt Stròòs

Le train est arrivé à Sarreguemines le 2 décembre 1866. La première gare de Bitche est inaugurée le 15 décembre 1869. Pour assurer l’approvisionnement du chantier, une voie parallèle est construite au plus près de la voie ferrée. Plus large et certainement plus adaptée aux transports de la seconde moitié du XIXème et du début du XXème siècle, la nouvelle route permettait également aux villageois de rejoindre les gares. Elle supplanta progressivement l’ancienne chaussée de Bombelles et pour les distinguer, les habitants du village prirent l’habitude d’appeler Àlt Stròòs celle qui a vu passer les diligences pendant plus d’un siècle.

 

Die Àlt Chaussée

En étudiant les cartes de Gros Réderching, il s’avère que la rue romaine à la sortie du village vers Rohrbach les Bitche était en réalité dénommée Alt Chaussée avant son changement de nom lors de l’extension du village dans cette direction au milieu du XXème siècle.